samedi 16 janvier 2010

Delhi - en savoir plus

New Delhi est à la mesure de la démesure du pays dont elle est capitale. Impossible de voir ou elle commence et ou elle finit. Le premier choc, c'est quand on essaye de se procurer un plan de la ville.On a le choix entre les cartes dites touristiques, gracieusement distribuées dans les hôtels, sur lesquelles ne sont marqués que quelques axes principaux, et les éditions détaillés de Eicher: 10 planches pour avoir le plan complet! Il y a de quoi être dérouté par ces avenues larges, boisées et interminables qui vont dans tous les sens, la quantité d'espaces verts et de vides (il y a même un aéroport intra muros) dans l'enceinte de la ville. En hiver, lorsque la Delhi baigne dans le fog, l'impression est très étrange. On voit défiler, des alignement quasi identiques de villas à deux étages - élégantes maisons construites dans le style moderne des années 50-60, de monuments publics et d'arbres à travers un écran de brume qui leur donne une apparence immatérielle. Capitale d'état et collection de monuments par excellence, New Delhi connait, malgré et contre tout, une vitalité artistique et intellectuelle qui se traduit par les activités de ses centres culturels, boutiques de designers et galeries d'art contemporain (cf. ci-contre rubriques "écouter / voir" et "acheter")

- la capitale de l'empire -

Cette immatérialité, qui contraste avec la densité des autres villes indiennes, est peut-être due au fait que New Delhi est l'application sur le terrain d'un schéma de cité idéale. Au début du XXe siècle, l'Empire Britannique des Indes confia à l'architecte Edwin Lutyens (1869-1944) la conception et la maitrise d'oeuvre d'une nouvelle capitale en remplacement de Calcutta. Plus grande que Londres, la nouvelle cité fut construite sur un territoire chargé d'histoire. Elle jouxte l'ancienne capitale moghole de Delhi (qui deviendra dès lors Old Delhi) et couvre des implantations anciennes remontant aux 1ers royaumes musulmans en Inde. New Delhi est dessinée autour d'une figure triangulaire. Trois axes majeurs relient trois points stratégiques que sont Connaught Place, India Gate et le Central Secretarait avec le palais des vice-rois (Raj Bhavan). Sièges du pouvoir centralisé, le Central Secretariat et le Raj Bhavan ont été récupérés par l'état indien à l'Indépendance et abritent, entre autres, la Présidence de la République (President's Estate). C'est un immense ensemble de palatial en pierre rouge couvert de coupoles. Tellement grand qu'il est pratiquement impossible d'en avoir une vue d'ensemble. Lutyens a vu grand. XXL comme dirait Rem Koolhaas (1), colossal, comme dirait Jacques Derrida (2). Le Raj Bhavan est le bâtiment le plus impressionnant. Il est coiffé d'une immense coupole qui se refère, par sa forme, au Grand Stupa de Sanchi construit par l'empereur Ashoka, le plus grand chef d'oeuvre de l'antiquité indienne, et par ses proportions, au Cénotaphe de Newton, monument utopique dessiné par Etienne Louis Boullée, architecte de la France des lumières.
"On avait prêté à Gandhi et à Clémenceau la phrase: “Ça fera une belle ruine!” Ça n’avait pas fait une ruine; et pas davantage un palais conquis, comme le Kremlin. New Delhi n’est pas une ville, c’est une “capitale administrative”, mais ses colossales perspectives de grès rouge, avec leurs gardes sikhs qui présentaient les armes dans la solitude, ne s’ouvraient pas sur des administrations – fussent-elles le Parlement: elles s’ouvraient sur l’Empire disparu. Palais, ministères, propylées. Tout l’Empire britannique porte la marque de la grandeur anglaise, avec l’accent que le gothique victorien donne à la Tamise. Ici, comme à la passe de Khyber, la grandeur était romaine; le rêve de César à Alexandrie, une masse de puissance disposée selon le vaste théâtre hellénistique. Mêlé d’un autre rêve, celui d’un mariage anglo-indien rival du mariage indo-musulman. La Capitole fut ostensiblement le rival de la Grande Mosquée de Delhi, l’une des plus grandes de l’Islam; de Fatehpur Sikri, des Forts Rouges, de toute cette architecture moghole qui a été l’Amérique de la Perse. L’Islam était toujours là. Et l’Angleterre? (...) Dans ce pays qui a construit tant d’illustres tombeaux, la seule oeuvre rivale de celles des successeurs d’Alexandre est devenue admirable malgré la médiocrité de son architecture, depuis qu’elle est devenue le tombeau de l’Empire."André malraux, Antimémoires, Gallimard, pp.187-188.
Les palais se trouvent à l'extrêmité orientale du Raj Path, une immense avenue rectiligne - les Champs Elysées de New Delhi - qui pointe à l'ouest sur l'India Gate, arc de triomphe dédié aux 100.000 soldats indiens morts pendant la 1ere guerre mondiale. Le Raj Path est très monumental et officiel. L'avenue n'est d'ailleurs bordée que de batiments publics (National Archives, National Museum of India, Indira Gandhi National Centre for Arts etc.) et sert de décor au défilé de l'indépendance.

- Connaught Place -

Venons-en à la plus grande place de la capitale, construite au sud des limites d'Old Delhi. Sur le papier, l'endroit parait idyllique. Un cercle parafait 500 m de diamètre. Ou plutôt deux cercles l'un dans l'autre. Connaught Place est le cercle intérieur, la place à proprement parler, et Connaught Circus le cercle externe, en fait une rue circulaire. Sur le terrain, c'est un endroit infernal. De un, parce que c'est le chaos total, De deux, parce que ce plan circulaire donne l'impression (et c'est souvent une réalité) de tourner en rond. Architecture totalitaire? Paradoxalement, Connaught Place brille par l'absence de grand monument. Et un monument, aussi inutile soit-il, sert de point de repère pour le voyageur à la dérive. Connaught place et Connaught Circus sont bordés de façades à portiques identiques dans le style néoclassique (inspiration à la Palladio). Le seul bâtiment différent sur lequel on peut s'accrocher visuellement est le Jeevan Bharati LIC, immeuble de bureaux post moderne en pierre rouge et mur rideau construit par Charles Correa au sud de la place. C'est l'adresse d'Air India. Nous le mentionnons, non pas pour leur faire de la publicité gratuite (ils ne le méritent pas!), mais parce qu'au moins un faux bureau d'Air India se trouve dans les parages, avec rabatteurs à la porte pour attraper dans leurs tentacules les touristes désorientés. Avec ses agences (vraies et fausses) de compagnies aériennes, banques et autres services, Connaught Place est un lieu de passage obligé. C'est aussi une cour des miracles composée mendiants, marchands ambulants et autres charlatans qui officient dans l'agitation. Tout cela est très vivant mais aussi très stressant même si on n'est pas agoraphobe. Des passages souterrains permettent de traverser la place sans se faire écraser et font aussi office de galeries marchandes. A propos de galerie marchande, il y en a une sous le cercle vide de Connaught Place, immense, tentaculaire et labyrinthique. Un Forum des Halles puissance mille. De Connaught Place, on descend souvent sur Janpath, avenue très animée avec ses innombrables magasins d'antiquités, de textiles et autres souvenirs. Dans une transversale se trouve un marché tibétain qui n'a de tibétain que le nom mais qui a quelque chose de pittoresque. Le marché de Janpath s'adresse principalement aux touristes. Les prix y sont donc relativement élevés, mais on peut y trouver de beaux articles. Après toute cette agitation, on découvre, sur la droite, les jardins pleins de palmiers et la façade art-déco de l'hôtel Imperial. Construit par Edwin Lutyens, l'Imperial est un des plus beaux palaces d'orient et la meilleure adresse de New Delhi. Ses magnifiques salons sont tapissés d'oeuvres d'art (peintures, estampes...) et constituent un véritable musée retraçant l'histoire de la ville. Une suite de l'hôtel portant le nom de l'architecte a gardé son mobilier et son décor d'origine.

- mausolées et cénotaphes -

Delhi est un véritable musée à ciel ouvert de l'architecture islamique. Outre le Qutb Minar et les sites d'Old Delhi (cf. notre page Old Delhi), la ville est parsemée d'un nombre impressionnant de mosquées, mausolées, résidences royales et autres ouvrages construits entre les XIe et XVIIIe siècles. A l'est de l'India Gate se dresse la Purana Qila, l'ancien fort de Delhi (qui date d'avant la construction du Fort Rouge d'Old Delhi). La promenade y est agréable, dans de vastes espaces verts. Le clou de la visite est la magnifique Qil'a Kohna masjid, mosquée construite au XVIe siècle. Il y a aussi l'étonnante bibliothèque à plan octogonal du sultan Humayyun. Ce dernier y serait mort d'une chute dans les escaliers alors qu'il descendait prier à la mosquée citée plus haut. Il est enterré un peu plus au sud, près de la tombe du maitre soufi Nizam ud Din (cf. notre page sur Nizam ud Din) dans un important mausolée à coupole planté au milieu de jardins. Classé dans la liste du Patrimoine Mondial par l'Unesco (tout comme le Qutb Minar), le tombeau de Humayyoun est le 1er exemple de monument funéraire moghol dont l'aboutissement le plus l’illustre sera le Taj Mahal à Agra. Le Mausolée de Safdarjang, bient plus tardif, puisqu'il fut construit au XVIIIe siècle, reprend le même parti. Il faut noter une différence essentielle entre ces mausolées et ceux d’Agra (le Taj Mahal et Ittimad ad'Daulah): Les matériaux. Tandis qu'on a employé la pierre rouge locale à Delhi, on a fait venir de loin le marbre blanc, beaucoup plus noble et lumineux à Agra. Dans les jardins qui précèdent le Mausolée de Humayyoun, sur la droite, des anciennes tombes de dignitaires, dont celle d'Issa Khan semblent totalement abandonnées. Leur état décrépi leur donne une force émotionnelle qui nous a beaucoup touchés. Il faut y aller tôt, lorsqu’il n’y a encore personne et que les brumes matinales ne se sont pas encore dégagées. Un spectacle grandiose! Des petits mausolés plantés dans la nature, on en trouve partout. En descendant au sud de la ville, vers le village de Hauz Khas, on découvre, entre des immeubles bourgeois, des tombes de l'époque Lodi, antérieure à celle des moghols. Hauz Khas est un endroit assez étrange. Autour d'une ancienne citerne, qui joue aujourd'hui son rôle de grand bassin pour parc urbain public (encore un espace vert!), se dressent les ruines d'un complexe composé d'une mosquée, de hammams et autres structures. Ces bâtiments délabrés ont quelque chose de pathétique avec leur revêtement de pierre de couleur grisâtre, leurs coupoles noircies et leurs galeries en enfilade aboutissant à des précipices. Autour ce curieux monument, le quartier de Hauz Khas village s'est construit une identité assez sympathique avec ses boutiques d'antiquités, ses galeries d'art et ses boutiques de vêtements et accessoires de mode.
> ACHETER
Tout ce que l'on à envie, à condition de fouiner et de comparer les prix. Autour de Connaught Place et sur Janpath, toutes sortes d'articles souvenirs (statuettes, boiseries, textiles...) en abondance. Au marché tibétain. Beaucoup d'étoffes plus ou moins bariolées, prix très bas. Ce n'est pas le cas du marché des antiquaires sur Sunder Nagar. On y toruve des objets (anciens ou pas) de qualité, mais il faudra payer le prix fort. Le meilleur spot de shopping est toutefois le grand marché dePaharganj. Au nord-est de New Delhi, c'est une succession de rues ou l'on trouve toutes sortes de choses, fruits et légumes, sacs en jut aux motifs publicitaires, châles de toutes sortes, chemises en lin, bref, on peut y passer des journées entières. Pour un shopping addict, Paharganj peut constituer un but de voyage en soi. Contrairement au quartier de Janpath, l'endroit n'est pas spécialement touristique et les prix nettement plus intéressants et l'ambiance géniale.

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