samedi 30 janvier 2010

29 janvier - fior di loto











Lever tôt car très mauvaise nuit. Vers 3 ou 4h du matin, toute une troupe de pélerins chantaient dans ma cellule et y secouaient des clochettes. J’ai pu me rendormir, mais pas très longtemps. Electric café chez Nijzam.

La matinée se passe “shanti shanti”. Elle démarre au soleil de la terrasse de la guesthouse où nous assistons en direct à une séance barbier d’une extraordinaire virtuosité. Un vrai ballet, rasoir en main, sur fond de lac et de montagnes, au soleil. Une sorte de cérémonie du thé ...


Flor et moi flânons en ville, passant d’une échoppe à l’autre où l’on se fait inviter à boire un tchaï. Je fais ainsi différentes rencontres : des photographes (de Pushkar, mais qui tiennent bien sûr une boutique), un ingénieur civil mexicain, un fabuleux artisan-formateur en bijouterie, ...

Vers 14h, comme prévu, je retourne au bureau de la Fondation Fior di Loto. Nous avions prévu que Deepu m’emmène rendre visite à quelques familles d’écolières et me montrer de plus près leurs villages. Au volant de la voiture blanche des années 50 ou 60 (il y a un petit côté Havane en Inde), je suis heureux de retrouver mon chauffeur de minipus. Nous voilà donc partis, Deepu, lui et moi derrière, prenant photos.


Cette après-midi fut étonnante de découverte. Voir dans quelles conditions réelles vivent les habitants des villages. Certains sponsors de la Fondation ont fait construire de petites maisons en briques (maximum 20 m2 au sol) pour les familles les plus pauvres. Dans l’une d’elles vivent 10 enfants orphelins.


Dans une autre, ils sont 6. Mais dans chaque maison visitée, la même ambiance : rires, rires avec les enfants et les adultes, les enfants adorent être pris en photo et en demandent autant qu’ils peuvent. Je me fais ainsi une première idée de l’habitat et des conditions de vie et, surtout, des conditions dans lesquelles écolières travaillent en rentrant de l’école. C’est simple : il n’y a, en dehors des lits, pas de mobilier, ou quasi pas. L’électricité arrive dans la plupart des maisons mais les coupures (je l’ai expérimenté quelques fois à Pushkar) ne sont pas rares. Pas de chauffage, bien sûr, pour les nuits les plus froides de l’année. Photos, photos, photos ... Je suis notamment surpris de découvrir dans les différentes maisons visitées que, en dehors des images et objets pieux, le seul élément de décoration est constituée par ... la vaisselle (bols, assiettes) soigneusement disposée. Dans les rares intérieurs que j’ai entr’aperçu en ville, j’avais déjà remarqué l’absence de mobilier. Quelqu’un m’explique dans la journée que si un habitant a les moyens de s’offrir un meuble, il choisira une belle pièce d’antiquité. Pas d’ikea, ici. Encore moins de mobilier Habitat.


Pour ce qui est des bijoux des vieilles paysanes - et d’autres vues en ville - on m’explique qu’en Inde, les gens n’épargnent pas mais thésaurisent. Tout va dans les bijoux. Il y a d’ailleurs un vrai marché - et trafic - de bijoux en argent ancien. On les retrouve ça et là dans les boutiques ; la ville de Jaisalmer est assez réputées pour ces joailleries. Le gouvernement a d’ailleurs interdit la vente des bijoux de plus de 100 ans. Mais ...

A 18h, nous nous retrouvons devant la boutique d’un ami de Flor, artisan-bijoutier que j’irai photographier demain - Il nous invite à une fête en ville.

Etant arrivé un peu plus tôt, je m’attarde, sur la petite place du marché, à faire des photos. Je suis rejoint par un de mes compagnons gypsy, “Pedro” ainsi qu’il se fait appeler. Il est, cela se voit et s’entend, malade. Bien entendu il me demande des roupies, à manger ... je lui propose de l’emmener au dispensaire pour se faire soigner. Il préfère avoir l’argent en cash et y aller lui-même ; je lui fixe rendez-vous demain. Deepu, le responsable de Fior di Loto passant par là, je lui signale le cas de cet enfant ; Deepu me dit de l’emmener à l’hôpital où il recevra les soins gratuitement. Mais je ne sais pas si mon copain viendra me rejoindre demain.

Nous y arrivons - à moto - vers 19h. Stupeur. Dans ce qui doit être une école, et dans la grande cour de celle-ci, des dizaines de femmes, hommes, enfants, ... arrivent par groupe. Il s’agit d’une veillée consécutive au 20è jour de la mort d’un habitant. Cette fête est rituelle. On nous fait monter sur le toit de l’un des immeubles. On nous explique que les places (dans la cour ou sur les toits) sont assignées en fonction des castes auxquelles les convives appartiennent.


Hommes et femmes sont séparés. Mais ce sont les hommes qui, partout, font le service. Tout le monde est assis par terre, sur des bandes de tapis très longs. Le spectacle est très beau, l’ambiance très bonne, brouhaha, ronde continues des serveurs. (Alors que je me rends au pipi-room, un petit garnement n’hésite pas à me demander de manière très directe 10 roupies. Comme je refuse en riant, il croit m’avoir en m’affirmant qu’il n’y a pas de toilettes là où je vais et me tourne le dos).

Il existe un très grand nombre de castes (parfois une caste par métier : nous discutons ainsi, longuement, avec un barbier membre de la caste ... des barbiers, qui n’est donc pas la plus haute ; celle-ci est celle des brahmines). Quant aux femmes voilées qui balaient les rues, elles sont effectivement de la caste la plus basse. Il est très difficile d’échapper au destin fixé par l’appartenance à une caste. Notre compagnon barbier nous explique que s’il voulait se rendre très loin, ailleurs, en Inde, pour changer de métier, si l’on découvrait sa caste d’origine, il se faisait vite exclure du métier en question. Or il semble que l’appartenance à une caste puisse être simplement trahie par telle ou telle syllabe du nom de famille.

Nous dînons à notre tour, sur le toit, dans de grandes assiettes en plastique et avec les mains, comme il se doit (la main droite uniquement, la gauche est dévolue à d’autres fonctions).

Depuis mon aventure avec les Bhopas, ma rencontre avec les responsables de Fior di Loto, tout ce que j’apprends peu à peu sur l’Inde, l’hindouisme, la condition des femmes, la rigidité des castes, mon regard sur l’Inde s’approfondit. En dépit de la volonté explicite du gouvernement pour, par exemple, mettre fin au sort fait aux filles et aux femmes ou la loi des castes, je m’aperçois qu’il faudra encore du temps avant que les choses changent vraiment. Les principe religieux et les coutumes ancestrales sont profondément enracinés. Et malgré tout, il a ici, et partout, les rires des enfants, la cordialité, la franchise. “L’Inde” est décidément riche, complexe ; mélange détonnant des contrastes les plus extrêmes. Mais je m’attache de plus en plus à ce pays/continent et à ses habitants.


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