samedi 23 janvier 2010

23 janvier - Le désert des musiciens Bhopa









Une journée qui, en intensité et émotions, n’a rien à envier aux journée de Delhi.

Après un petit déj vue sur lac (toast nutella pour moi), nous saluons Amin qui retourne au Cachemire via Delhi. Je retrouve comme prévu mes 2 compagnons de la caste Bhopa près de leur petit troquet. Nous étions convenus que j’irais prendre des photos dans leur village.

Première surprise : nous sommes 5. En chemin, un ado se joint à nous, très sympathique et jovial, gypsy pur sang. Cheveux teintés (par une hollandaise de passage), un sens inné des affaires et du contact. Il salue régulièrement ses friends dans la rue. Il est d’une autre caste encore, les Nuds (?). Shianti shianti oblige, la journée commence autour d’un tchaï. La gitane qui m’a peinturluré la main et me harcèle depuis hier se joint à nous. Le ton monte car chaque clan chasse sur le même territoire et chacun me met en garde contre les autres. Je ne veux pas de ce conflit et je propose à mes compère d’aller boire un pot ailleurs. Ils m’embarquent sur les toits d’un restaurant et commandent un coca cola. Soit ...


Ils m’annoncent alors qu’il faut louer 2 motos/scooters pour rejoindre le village. Je pense que la négociation avait déjà été arrangée. Va donc pour 2 “bikes ...” à la sortie de la ville. Manque de chance, chez le premier loueur, une seule “bike” (une moto 125) est disponible. Mon ado au cheveux teinté l’enfourche promptement ... Je dois laisser mon passeport. La location, à la journée, est extrêmement bon marché (1 euro environ, auquel rajouté 3 litres d’essences, même tarif).Je signe un registre en abandonnant là mon passeport avec, tout de même, une petite appréhension. Qu’est-ce que je suis en train de faire à embarquer tout ce petit monde sur 2 bikes ... et qui manifestement se réjouissent ... Je chevauche à mon tour la bécane pilotée par mon gitan et va pour un rodéo-baptème dans les rues étroites du Pushkar en direction d’un autre loueur. Là, les prix sont à peine plus élevé mais l’un de mes compagnons Bhopa négocie encore à la baisse. Un scoot, cette fois. Je dois laisser une petite caution. Rien d’autre. C’est moi cette fois qui pilote le scoot mais je demande à mon guide de passer par un autre chemin pour éviter la cohue ...

Arrivés sur la route principale (goudronnée, trafic normal), accélération ... wahouu .... Nous sommes 2 sur le scoot que je pilote, ils sont 3 sur la moto. Je verrai une famille de 5 (les parents, 3 enfants dont un bébé) sur une moto de même taille. Etre à trois ou quatre sur un engin et sans casque, bien sûr, fait partie de la vie.

Je pilote avec plaisir ... puis nous décidons un changement de conducteurs. Je remonte sur la moto à l’arrière de mon gitan qui s’en donne à coeur joie - accélération, klaxon, dépassements parfois un peu vertigineux.


Après la chevauchée, nous arrivons - nous sommes dans le désert, des bâtisses plus ou moins pauvres un peu partout, des groupes d’hommes, des grappes de vaches le long des rues. Une petite maison bleue charmante, une famille ; à l’arrière, une tente où l’on m’explique qu’habite toute une famille. Photos, tchaï, rires. - que croire ? ...


En route à nouveau, pour le village Bhopa cette fois. Un “vrai” village ; un campement, plutôt, fait de toiles, de vieux lits métalliques. Des chèvres. La caste Bhopa se transmet, de génération en génération, un art spécifique de musique et crée au fur et à mesure l’instrument - pour le son et la forme, il se rapproche du violon. Je retrouve là Rampaji, beau comme un maharadja, le père de l’un de mes jeunes compagnons, homme que j’apprécie énormément. Et qui joue divinement de son instrument. Photos, photos, photos.


Il me montre alors une vieille bâche qui tombe en miette et servant à procurer de l’ombre à plusieurs de ses brebis. La veille il m’avait montré ses chaussures, dans un triste état ... C’est la crise à Pushkar en raison de l’assèchement du lac : beaucoup moins de pélerins et de touristes. Or les Bhopas vivent de leur musique dans la rue.


Après le tchaï final, Rampaji, d’un geste accompagné de quelques mots, fait partir tout le petit monde. Je me retrouve seul assis avec lui et lui donne quelque chose pour sa tente. Trop peu, je sais, mais je ne peux faire plus. Je suis pris à ce moment là d’une très forte émotion et le coeur n’est plus à la fête. Je signale à mes 4 aventuriers de l’arche perdue que nous rentrons. Dépit, of course, car ils s’amusent sur les engins mais s’exécutent.

Suite à un malentendu, et ayant repris en main, à l’arrivée en ville, du scooter, je me retrouve alors à piloter, à mon tour, dans la cohue et à jouer du klaxon ... bizutage de conduite à l’indienne. Car ici, en ville ou ailleurs, c’est essentiellement le klaxon qui tient lieu de code de la route. On est supposé rouler à gauche mais ça ne semble guère avoir trop d’importance. “Ca marche” car tout le monde fait la même chose et donc je suis le mouvement. Un peu stressé mais j’y parviens. Ouf. Je récupère, chez le premier loueur, mon passeport. Re-ouf. Nous allons alors - je laisse conduire mon gitan ... - le scooter. Las, le patron est parti dîner, il faut attendre une demi-heure. Or j’étais encore sous le coup de l’émotion et j’avais besoin de me retrouver seul, et vite. Re-tchaï. Nous rendons le scoot et je récupère ma caution. Alors l’un des Bhopa, le plus âgé me demande d’acheter pour lui farine, huile et beurre pour leur pain local. Epicerie. Je paye l’addition, qui fait un peu mal, même si on est loin, très loin, pour une telle quantité de farine (10 kg sans doute) des prix européens. Mais c’est proportionnel au budget ... Et bien sûr, mon gitan veut sa part aussi, comme de juste - on trouve un arrangement. Sur le coup la gitane peinturlureuse nous rejoint et rebelotte me pourchasse jusqu’à ce que je cède à sa demande d’aller la prendre en photo, elle et d’autres, en train de danser. C’est son job dans sa caste de gitans/gypsy. Je remets à un autre jour.

J’arrive à mon hôtel et là je me laisser dorer au soleil une bonne demi-heure.

L’aridité du terrain, la précarité des conditions de vie de mes Bhopas, l’affection profonde que je ressens pour Rampaji et son fiston, mon incapacité à l’aider à s’acheter une autre tente me remplissent de tristesse. Certes, je ne suis pas là pour sauver le subcontinent. Mais l’affection l’emporte un peu sur la raison....

Passée l’émotion, et pensant avoir trouvé une solution, je retourne auprès des boutiquiers où j’avais pris des portraits le jour de mon arrivée. Je ne suis pas parvenu à mettre sur CD les photos. Finalement, nous trouvons une solution et tout le monde est content. Je décide alors d’aller enfin casser une graine (il est vers les 16h) dans mon petit bistro au ristretto indien électrifiant.


Et j’adore le patron, un brin déjanté et toujours plein d’humour. Il me concote pour 3x rien un vrai toast indien. De là je pars tourner en ville, à l’affût de photos - mais toujours fort habiter par la caste Bhopa.


Passant près d’un bac rempli de boutons de roses rouges et jaunes, je demande au monsieur planté là l’autorisation de prendre une photo. Sans avoir eu le temps de rien dire, je me trouve ensuite embarquer par lui, qui s’avère être brahmane, pour une puja au bord d’un bassin. Je résiste gentiment et explique que je n’aurai rien à donner en offrande ... j’insiste, j’insiste mais lui aussi ... Je me laisse faire car c’est l’occasion de descendre au bord des bassins. Assis, lui priant à mes côtés, la rose rouge dans mes mains peinturlurées, au bord de l’eau... il récite prière et mantras, m’en fait prononcer un (oublié). Vient le moment de passer à la caisse. Je lui rappelle gentiment ce que je me suis efforcé de lui faire comprendre avant de descendre ... et dieu merci, il comprend qu’il n’obtiendra que 2 x rien. Je ne sais si nous nous sommes quittés bons amis. Toujours est-il que me sentant un peu pressé, il me dit plusieurs fois : “Slowly, egon, shianti shianti ...” et c’est si vrai ...

Comme j’arrivais au coin internet, une coupure générale d’électricité plonge la ville entière dans la nuit ; quelques rares bougies font surgir des ombres.


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