jeudi 4 février 2010

Prologue ...



A FLOR, Flor de Vida (et qui m'a mis en contact avec Fior di Loto)

je dédie ce voyage - ce blog - ces photos - et celles à venir

A mes 3 chéries aussi

A Venmani, mon frère, arrivé de Mumbaï dans notre famille à l’âge de 3 ans (il a 31 an cette année).

Aux boutons de rose de Fior di Loto

A tous ceux qui, outre Flor, auront rendu possible ce voyage : François, Esa Danouchka, Dominik.




Pour ne pas conclure, quelques pensées divers, à chaud, après 3 semaines d'un voyage secouant et inoubliable, la tête, le coeur, rempli d'images, d'odeurs, de sensations, d'émotions et surtout de tant de regards ...

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Parler de “l’Inde”, est-ce possible ? C’est un continent. 1 300 000 d’habitants je pense. Autant de regards. De vies. 5000 ans d’une histoire mouvementée. D’être ici a, dès la première minute, réveillé en moi les souvenirs d’Afrique et si je me sens ici “at home” c’est sans doute aussi à cause de mon passé africain. Ma propre perception de l’Inde passe sans conteste par mes sensations africaines enfouies (chaleur, soleil, immensités, décalage technologique, ...). L’inde de l’un n’est donc pas l’Inde de l’autre. Certains repartent malades au bout de quelques jours, d’autres jettent leur passeport ... Certains évitent l’Inde et préfèrent le Népal, plus simple ; d’autres ne peuvent se passer de l’Inde... Il y a autant de rapports à l’Inde qu’il y a de personnalités.

Alors comment décrire ce continent ? Je renonce à toute prétention d’objectivité.

Je n’ai rien lu sur l’Inde avant de venir ; je n’ai emmené aucun guide. Je me suis contenté de voir sur le site du Routard qu’il fallait faire une photocopie de tous les documents importants (ID, passeport, billet d’avion) et se méfier, à l’arrivée à l’aéroport de Delhi, des pseudo “agents” de taxi ... Pour le reste, mon imaginaire préalable était formé par les films super 8 que mes parents avaient ramené d’Inde à la fin des années 60 ; de quelques films et des cartes postales habituelles ; d’un très beau documentaire sur la spiritualité/médecine ayurvedique. J’ai cherché à aller au contact, aussi brut que possible.

Donc que dire, que montrer, compte tenu du peu que j’y suis resté et du peu de lieux divers que j’ai vus ? Le “souk” de Delhi et la ville sainte de Pushkar dans le Rajasthan. Je pensais ne rester que quelques jours à Pushkar puis Flor et moi pensions voyager un peu dans le Rajasthan. Et puis de jour en jour ... de plus en plus difficile de quitter cet endroit. Les autres villes ? Une autre fois ... shanti shanti ! Car s’affirme encore plus nettement pour moi qu’en Inde, l’important ce n’est pas l’argent (quoi que ... mais on se comprend), mais le temps. Découvrir un lieu, savourer une atmosphère, décoder les signes (ce qui, de prime abord - objet, geste, attitude - paraît beau et noble ne l’est pas forcément ou inversement), nouer des contacts locaux, dépasser l’Inde carte postale où tout est beau et parfait, tout prend du temps. Tester prend du temps ... trouver, recouper les informations, prend du temps. Le transport prend du temps ... Amin me disait “Nothing is right in India”. C’est un joyeux - et parfois cruel - chaos. Un oignon dont il faut peler plusieurs peaux. Mais combien de peaux y aura-t-il à peler ? Je l’ignore. Et pour aboutir à quoi ?

Je ne sais pas ce que j’ai montré de “L’Inde” par mes photos. Est-ce d’ailleurs l’Inde ? Laquelle ? Mon travail photo est encore un balbutiement ... Un photographe professionnel rencontré ici, Olivier, s’est donné 5 ans pour aboutir à un livre de photos sur ce subcontinent. Je comprends pourquoi.

De mes propres aventures et mésaventures (mais très enrichissantes pour moi aussi ...), de mes discussions avec Flor, Laurent, Deepu, Kam, il ressort au moins une chose, et c’est Kam qui me le disait l’autre soir : par principe, il faut se méfier. Et la seule façon de savoir si quelque chose, qui semble formidable, l’est vraiment, c’est de tester. “Tora tora”, peu à peu ... Elle-même, très impliquée dans la Fondation Fior di Loto, a d’abord testé.

“Mélanges” est le mot qui me vient cependant sans cesse lorsque je dois parler de ma perception de l’Inde. Mélanges constants des extrêmes, ambiguités. Urines et encens. Grâces et horreurs. Beautés de certains corps, mutilation des autres. Et tout se mixe, se croise. Sucré et hot chili. Spiritualité la plus exigeante - les sadous de l’Himalaya - et la superstition la plus kitch ; beauté de ces femmes pourtant quasi réduites en esclavages. Ces belles cartes postales de femmes en sari safran ... mais ce que peut, aussi, endurer ici une telle femme ! J’en ai vu plein aujourd’hui à Delhi sur des chantiers. Ailleurs portant d’immenses tas de bois pour le feu. Cachées par leur père, leur mari. Le Kama sutra, c’est pour les occidentaux. Je doute que ce soit réellement vécu ici dans les couples (un indien avouait même n’avoir jamais pu voir sa femme entièrement nue). Je me sens d’autant plus proche du projet de Fior di Loto. L’argent et le besoin d’argent omniprésent. Mon chauffeur de taxi gagne en moyenne 5000 roupies par mois, même pas 60 euros. Mais l’argent n’est pas un tabou, il fait partie intégrante de l’hindouisme. Mélanges : tants de langues, de religions (sikhs, hindous, musulmans, quelques chrétiens, jaïns, ...) ; rigidités ancestrales : castes, statut des femmes. Mais jusqu’où va le mélange dans ce pays de castes ?

“Débordement”, “croissance perpétuelle”, “bouillonnements”, “profusion”, “prodigalité”, “grouillements”, vie (vie et mort) sous toutes ces formes, autres mots clés, peut-être.

Les vaches, partout, qui s’abandonnent en pleine rue. Respectées, sacralisées (le gouvernement a vainement tenté, à Pushkar, de les faire interdire dans les rues pour raisons sanitaires ; car les vaches mangent n’importe quoi mais impossible. Comme Raju qui pour échapper à la loi de sa caste a tenté sa chance à Londres. Et pourtant de l’usine où il a atterri, et après un divorce avec une anglaise, il semble souhaiter revenir parmi les siens.

“Spontanéité”, “facilité” de contact : riche ou pauvres, chauffeur de taxi, policier, gardien, boutiquier (évidemment ...), saddhou, babas (sorte de “sdf religieux”, propres à l’Inde sans doute), gypsies, ... Mais rencontré si peu de femmes indiennes .... en dehors de Kam et des gitanes ... L’une, très occidentalisé ; les autres, marginales assumées ... Où donc est la femme indienne (hindoue, musulmane), cet être caché et que l’on cache mais que l’on n’hésite pas à faire travailler comme des hommes sur des chantiers, le long des routes ou derrière les hôtels ? Une fois mariée, elle semble coincée chez elle selon son statut social, sa caste (sinon, je suppose que ce sont surtout les femmes de basse caste que l’on voit travailler en rue ou sur les chantiers). La femme hindoue de basse caste : sans doute la pire condition en Inde ... Les hindous, d’ailleurs, se convertissent facilement à l’Islam pour échapper à la loi d’airain du système des castes.

Pas vu, ou de très loin, l’Inde politique - seul Deepu m’a parlé de la corruption généralisée, quasi impossible à faire évoluer. L’Inde des conflits interreligieux, l’intégrisme hindou n’ayant rien à envier à l’intégrisme musulman (mais il me semble politiquement incorrect de l’affirmer ... pour les occidentaux). Résultat de siècles de rapports tendus entre les 2 religions. Gandhi s’y était frotté toute sa vie.

Rien vu non plus de l’Inde très contemporaine, riche, cultivée, occidentalisée des grandes villes. A peine vu leurs villas et leurs voitures. Delhi ne manque pourtant de lieux très “hypes”. Pour une autre fois.

Inde en manque de créateurs authentiques. En manque, semble-t-il, de la connaissance de ses propres héritages artistiques (on copie l’Occident à qui mieux-mieux). Il paraît que de nouveaux designers apparaissent. Comme me le disait Flor, un vrai sari n’a rien à envier à notre haute couture. Mais si peu d’Indiens eux-mêmes semblent le savoir. Je me rappelle le Tintin au congo de mon enfance : le “nègre” préfère acheter un haut-de forme européen ...

Rien vu, non plus, de l’Inde telle que semble la pratiquer nombre de travellers rencontrés à Pushkar : apprentissage de la musique indienne, des massages ayurvédiques, de la méditation (ce ne sont pas les “yoga centers” qui manquent). Mais tous ces occidentaux inculturés dans leur étrange accoutrement mi-rasta mi baba-cool ... Cela dit, j’ai ressenti aussi peu à peu qu’on pouvait de manière très naturelle revêtir peu à peu tel ou tel vêtement local, tel ou tel accessoire (je m’en reviens avec un bracelet de ... femme autour du poignet). Mais je me sens trop européen, en dépit de mon enfance africaine et du sentiment d’être ici comme chez moi. “Comme un poisson dans l’eau” me disait Flor à mon sujet, selon sa perception de ma façon de vivre et d’être, ici. Européen, marqué par sa religion du Sujet et de la liberté individuelle. Sa propre histoire de l’art. Je ne renonce à rien ; mais je m’ouvre à tout. Et l’Europe - l’Occident -, en chemin, a tant perdu ... Un traveller français qui fréquente l’Inde depuis 30 me disait qu’alors, entrant dans une boutique, il fallait réveiller le marchand ... ! “Ils se contentait d’un peu de chapati et de beaucoup d’amour”. L’Inde change, forcément ... Dubbaï, la Chine sont si proches ! Un habitant sur 6 est Indien, un autre sur 6 est chinois ... Le XXI siècle sera-t-il sino-indien ? Une machine commerciale armée par les dollars et la technoscience occidentale - entre les mains de plus de 2 000 000 d’habitants ? Et que deviendra l’Europe ? Car Colomb n’avait pas tort : les Indes, c’est l’Amérique ! Et je ressens plus que jamais la lourdeur, l’apathie européenne et française en particulier ; l’enlisement bureaucratique et administratif de la France. Or je n’ai rien d’un capitaliste ... mais il nous manque une telle spontanéité, une telle franchise dans le dire, le faire, l’entreprise, le travail, le contact !

Rien vu, hélas, de la danse classique et traditionnelle qui donne vie et forme à tant de grâces dans la sculpture - voire même, peut-être, inconsciemment, dans les gestes les plus banals. Les mains indiennes, hommes, femmes, enfants et de n’importe quel âge sont sublimes. Un rien me semble pouvoir devenir l’équivalent d’une cérémonie du thé à la japonaise.

Je n’aurai pas vu, non plus, Bénarès ... Autre coeur du coeur hindouiste. Mais je le réserve à plus tard car là plus qu’ailleurs je veux rester longtemps. En bref, toute l’inde, toutes les Indes sont encore à parcourir !

Et que dire du Mandala ancestral ... quelles en sont les multiples significations ?

Je ressens aussi l’existence de quelque chose de dur et d’inhumain à côté - paradoxe, ambiguité - de tant de cordialité et de sourires. Comme si une merde séchée de vache (et la vache elle-même d’où elle tombe bruitamment) était plus sacrée qu’une vie humaine, d’une vie de femme surtout. Mais ce n’est encore qu’un pré-sentiment et je ne l’ai pas vraiment vu, et encore moins montré. Les militaires un peu partout ; ce sentiment de franche dureté dans le massage du barbier ?

Et tant d’autres “mots” encore qui me viennent peu à peu mais ils restent à vérifier. De l’Océan indien, je n’ai donc et bu qu’une goutte d’eau et je n’ai rien de plus à montrer pour l’heure. En termes de superficies, mon “Inde” se résume au fond à 2 “big bazar” : le souk invraisemblable de Pahar Ganj à Delhi et la “main street” de Pushkar. En dépit des centaines de kilomètres parcourus, si peu de km réellement “habités”, et encore ... et pourtant c’est de là, et sans bouger, que tout part, que tout peut partir, de regard en regard, de contact en contact ... pour s’infiltrer, très lentement, comme un filet d’eau, au-delà et au travers des apparences et des surfaces lisses ou dures. Ce photographe se donnait 5 ans pour faire un livre sur l’Inde ; pour ma part, avant de venir, je savais que photographier l’Inde était le travail d’une vie car la richesse et la profusion de ce pays sont tels que les possibilités de photo y sont “endless”. Une armée de photographes professionnels et artistes n’en viendront jamais à bout ... car l’Inde a 5000 ans et chaque jour nouveau s’y ajoute. Inde palimpseste. Un livre qui ne cesse de s’écrire et dont, par conséquent, on j’aura jamais fini de comprendre le sens. Mais le sens est dans le voyage - la fin - impossible, sinon de manière quasi arbitraire - , le but, appartiennent déjà au premier pas du chemin.

Très difficile de prendre une femme en photo. Elles, chaque fois, refusent. Alors que hommes ou enfants en demandent. J’ai pas mal de cartes de visites de personnes à qui envoyer une photo ! Et tous n’ayant pas une adresse mail, je dois imprimer et envoyer par la poste.... L’aventure n’est pas finie ! Pour eux, être regardé, être, vu, se voir en photo est une chose rare - sans doute est-ce une des raisons qui me fait préférer le genre “portrait” à tout autre, en photo. Etre photographié, c’est être vu 2 fois : par le photographe, par le destinataire de la photo ; et se voir soi-même. Les femmes exceptées, prendre les gens en photo est donc généralement très facile ; souvent ils le demandent. Tout se passe, tout le temps, avec le sourire. Un clin d’oeil si je prends la photo à la volée, sans avoir eu le temps de parler un peu ; sinon, je demande, je presse le bouton, je montre la photo ; si c’est un pauvre, je paye, car pour moi c’est un “job exchange”, il m’a donné quelque chose, je lui donne autre chose en retour même si c’est incommensurable à ce que lui m’a donné - ses yeux, son émotion, sa peau ... Et comme je ne peux pas au moins donner à chacun la photo que j’ai prise de lui, reste à ouvrir le porte-monnaie. Faute de mieux. Et je suis payé - quand je le suis ... ! - pour savoir qu’être modèle est un métier mal payé - la satisfaction est ailleurs. J’ai tenté d’expliquer ça à un Indien qui ne comprenait pas pourquoi je donnais des roupies à un enfant gypsy que j’avais pris en photo (à Delhi par contre, cette pratique est naturelle). Pour quelques rares femmes j’ai pu obtenir une photo de mains. Seules deux d’entre elles ont accepté de soulever le voile de leur sari ... Ce sont mes plus belles photos de femmes hindoues (non, elles ne sont pas sur ce blog :-)). Il faut être dans certaines conditions pour qu’une femme accepte d’être prise en photo, mais le code m’échappe encore. Avec celles qui on accepté, que de rires ! Et elles adorent plus que quiconque de se voir ensuite en photo ...

Le lingam est peut-être un emblème de ces contrastes, mélanges, ambiguités. En forme de sexe masculin avoué, mais entouré d’un réceptacle. A la fois sexe et pressoir, sexe et instrument d’anciens sacrifices. Le lingam est partout.

Tant d’odeurs : fleurs, encens, excréments (chien, pigeons, humains ; la bouse de vache est sacrée car utilisée pour le feu, les murs des maisons de village car cette boue chasse les moustique). Les hommes pissent partout à Delhi et ailleurs, n’importe quel arbre, n’importe quel mur fait l’affaire, de jour et de nuit. Mais chaque commerçant que j’ai vu (à Delhi comme à Pushkar) a son coin prière et fait brûler son encens (et dans le hall de l’aéroport international la musique indienne est partout diffusée).

Continent d’émotions.

J’ai revu mes amis gitans dans la rue. Je tente de parler avec eux de leur vie et ce qu’ils en pensent ; mais ces êtres farouches savent ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas. Je ne porte aucun jugement sur les “gitans” d’aucune sorte. Je suis triste que pour eux comme pour tout être humain, le dieu argent puisse à ce point les amener à des comportements que je réprouve, sans plus. Mais ces comportements sont tellement universels. Et plutôto que de leur donner de l’argent, je préférerais leur consacrer un reportage photo. Y compris chez ces “gitanes” dont l’une m’a peinturluré la main. Très bonnes danseuses paraît-il mais aussi prostituées ; considérées comme des femmes, donc, très peu recommandables ici (officiellement, comme partout ... car personne n’avoue ses fréquentations dérobées). Kam me confirme que les gitans et gitanes sont très recherchées par les touristes pour la richesse de leurs traditions. Fior di Loto a tenté de créer une école dans leurs camps mais elle n’a pu fonctionner. Les gitans sont trop rebelles.

Sur le busines en Inde, une chose est claire : l’argent n’est pas un tabou, loin de là. Je sens même une grande proximité entre le busines à l’américaine et le business à l’indienne : direct, cash et sans honte. Et une fois encore mélange et/ou ambiguité parfait entre argent et religion. Mais en est-il autrement pour nous ? Dans la tradition juive la plus ancienne, la richesse est un signe de bénédiction divine. Pour un marchand indien, les premiers billets de la journée sont les plus importants car porteur de chance. Je vois dans quantité de boutiques un coin prière (éléphant, saïd baba, fleurs, bâton d’encens) ; j’ai déjà vu un patron de resto faire sa prière, tout naturellement, devant ses clients (qui attendaient patiemment de pouvoir payer).

Et d’après Laurent, ne pas négocier avec un marchand est ... une insulte pour le marchand car pour lui, vendre est une forme de jeu, de défi. S’il vend sans négocier, il aura l’impression d’avoir “vendu à un con” et ça ne l’honore pas. Le premier traité de management semble avoir été indien et s’appelait : “comment faire de l’argent”. Il remonte au moins au moyen-âge.

Je me posais des questions sur la fabrique d’écharpes en soie pure dénichées ici. Je me demandais notamment pourquoi ces femmes travaillaient un jour férié (independance day) ; Deepu m’a appris que ce jour férié ne concerne pas le secteur privé. Ici, on bosse ... Surtout, et j’ose lui faire confiance, il me dit que ce boutiquer/manager est un type bien avec ses employées. Ce n’est pas toujours le cas, évidemment. Et les entreprises qui, ici, s’appellent “coopératives” (pour amadouer l’occidental sensible au commerce équitable) fonctionnent parfois bien différemment. Encore et toujours : prudence et expérimentation avant d’aller trop vite, trop loin.

Sur les “gypsys” indiens, voir, par exemple :

Sur les bhopas, différentes appréciations :

Quant à la beauté et la poésie, elle sont omni présentes, il n’y a qu’à se baisser pour la ramasser. Aussi présente que la misère, l’escroquerie, l’urine, les ordures, les touristes (l’Inde est le 5è pays visité au monde). Inutile, ici, d’être grand photographe ... (c’est aussi tout le défi, l’Inde ayant été photographiée des milliards de fois et sous toutes les coutures, par les plus grands et les autres). Mais pour un photographe, c’est un régal de la première à la dernière minute de la journée. Il suffit de rester assis (ou debout), au même endroit, pendant, disons, 30 minutes : à chaque minute il se passe quelque chose qui vaut une photo. Inépuisable. Endless. Fantasmagorique.

Si l’on peut s’asseoir là où nulle ordure ne trouble la vue, alors la beauté est quasi absolue, divine, offerte.

J’ai découvert ici un instrument de musique absolument extraordinaire et dont j’ignorais jusqu’à l’existence. La sonorité produite est indescriptible car rien de tel n’existe en Occident. Cela s’appelle un “hang” et j’espère y tâter un jour ... J’ai rencontré quelqu’un qui en joue de manière divine (le son produit par cet instrument, au service d’un air méditatif, vous transporte par delà les nuages). Instrument produit en Suisse, paraît-il. Je n’ai pu en savoir plus.

Les brahmines à l’âme pur et d’autres pour qui l’on n’est manifestement qu’un “client”. Universel ...

Une anecdote oubliée :

Un soir, ayant achevé tard ma session Internet, je me retrouve seul plongé dans la rue et la nuit ... la rue envahie de chiens aboyants. J’étais peu rassuré ... Kam me dira le lendemain que, dans les croyances indiennes, les chiens se comportent ainsi lorsqu’ils voient certains types d’esprits. Arrivé, enfin, à ma guesthouse, porte close (c’est-à-dire, ici, cadenassée). Massari, un magnifique saddou que j’aime beaucoup, était occupé à murmurer ses prières dans sa “cellule” (c’est quasi une remise) et je n’ai pas voulu le déranger. Et il m’a fallu 20 minutes pour parvenir à réveiller la proprio de la guesthouse.

Je suis resté, de jour en jour, charmé par Pushkar. Certes, il n’y a pas le flot habituel des touristes et des pélerins. Mais la modestie de la taille urbaine (un seul axe principal de 1 km), la poésie de son lac (même quasi totalement asséché), les couchers de soleil, le sourire des enfants ; et le sentiment de liberté étonnant que l’on ressent ici ... je comprends mieux pourquoi, depuis 25 ans, je rêvais d’aller en Inde. En dépit de tout ce qui reste, ici, scandaleux (le sort - horrible - des femmes et des basses castes, par exemple. Mais sur ces questions politico-religieuses, nombre d’Indiens ont entamé la lutte. Des intouchables occupent enfin des positions importantes en politique ou dans l’administration, même s’ils sont encore minoritaires. Et des fondations comme Fior di Loto, même confrontés à une tâche immense - les mentalités ancestrales - donnent un peu d’espoir. C’est un continent 5 fois millénaire, quelques dizaines d’années ne viendront pas à bout d’une telle mémoire.

Et pourtant ... le bonheur d’être ici l’emporte, le sourire des enfants - surtout pauvres - la générosité - des plus pauvres - la cordialité spontanée ou progressive, la facilité du contact où que l’on soit et avec qui que ce soit, la beauté omniprésente même mêlée aux réalités les plus laides et les plus tragiques ; l’immensité de l’espace ... le sentiment qu’ici tout est encore à faire et à inventer même si le processus est entamé ... Je ne sais trop ce qui me fait revenir en Inde ... ça et tout le reste que je ne parviens pas à exprimer ni en mots ni en images. Un sentiment, sans doute, d’être “as myself at home”. La possibilité de rire ou de sourire, en toute occasion. La douleur de ne pouvoir aider chacun des plus miséreux - douloureuse impuissance mais qu’il faut bien assumer, dans la cruelle énigme de l’existence humaine. Me revient subitement à la mémoire ce Sikh de Main Bazar à Delhi qui m’a dit sur moi des choses étonnantes, comme ça, spontanément. En plein Main Bazar. J’aurais voulu pouvoir lui donner plus de temps - je le lui ai promis, pour une prochaine fois.

En ces heures de départ l’émotion m’étreint et je pleure de joie et de tristesse, les yeux remplis de leurs yeux, riant spontanément ou tragiquement implorant, le nez dans toutes leurs odeurs, le coeur touché par tant de générosité, de grâces. Et la hâte de revenir, d’aller plus loin, de goûter plus et mieux maintenant que le bizutage est fait ... Car j’a vu quoi, expérimenter quoi ? Qu’est-ce que je vais montrer de ces 3 petites semaines ? Une perception brute de fonderie, à chaud ; photos à la volée. Ce n’est que maintenant que je vois - ou plutôt que j’entrevois - ce qu’il y a peut-être à aller voir et qui ne se montre pas. Cette premières série de photo “Indian Beauty” ne montrera donc qu’une surface masquant d’autres profondeurs - les plus mystiques comme les plus tragiques et les plus banales (hier à Delhi, mon cireur de chaussures d’il y a 15 jours m’a refait mes pompes - à un autre prix tout de même car le mot “touriste pigeon qui vient d’arriver” s’est un peu effacé de mon front - et je ne suis pas rancunier et j’ai de l’affection pour lui et il doit gagner sa vie comme nous tous) ; mon cireur, donc, était prêt à m’emmener dans le dortoir qui lui sert de maison - enfant seul, me dit-il, sa famille étant disséminée un peu partout en Inde. Mais pas pu faire ce petit reportage. C’est dire si la réalité est encore ailleurs. - Mais où ? Tant “d’apparences” contradictoires et superposées - un écheveau d’apparences. Il n’y a que l’Inde que chacun recherche et veut voir.

La mienne, en ces 3 semaines, ne fut - volontairement - pas celle des temples et de l’art ni des couchers de soleils. Pourtant elle existe et reste à voir - mais à voir autrement. A montrer autrement aussi.

Lors de mon premier cours de photo à Saint-Luc, il y a quelques années, mon prof a commencé son cours en nous disant : “tout a été photographié” (“Ooooooo” de dépit) ; “mais rien n’a été photographié par vous” (Aaaaahhhh d’espoir). Reste donc à trouver le point de vue, l’angle, le sujet - mais c’est inépuisable car tellement photogénique et la réalité semble si complexe. Je suis portraitiste et “L’Inde” est un sujet d’un milliards de sujets de 5000 ans ... Quel fabuleux défi ! J’ai sans doute réalisé 5000 photos mais ce n’est encore qu’un premier travail, les premiers tâtonnements. Le bizutage, disais-je !

J’éprouve déjà un tel attachement pour ce continent, son histoire, ces habitants surtout - leur besoin constant d’entrer en contact, un besoin quasi physique ! Et les enfants sont tellement ... (pas de mots). Les couleurs ... les immensités ... les multiples aspects secrets, nocturnes, énigmatiques ... (mais ils ne sont pas sur les routes touristiques).

Incredible India !


So long, India

see you soon ...

I’ll be back ...

miss you already ...


egon jazz


3 et 4 - Sleeper again ; Delhi again ...





Le 3 est le jour où nous préparons le départ. J’appréhende un peu le retour à Delhi ... j’y ai eu si froid !

Flor m’ayant demandé si j’acceptais de faire son site web de styliste, nous avions commencé hier une série de photos d’elle en modèle avec ses céations, sur les terrasses et toits de la guesthouse. Lumières magiques de fin de journée et fond bleu turquoise léger des murs de la guesthouse, jeux des arabesques et des ogives ...


Aujourd’hui, nous risquons la séance shooting devant un magnifique temple ... Moments magiques ! Naturellement, tout le monde nous regarde, intrigués, mais nous (ou plutôt : elle) ne récoltons que des compliments ! En chemin vers le temple, je m’étais amusé à “shooté” Flor de derrière ; tout le monde bien sûr a remarqué le petit jeu et au retour, les commentaires n’ont pas manqué ; mais c’était tellement gentil. La liberté occidentale n’est pas dans les traditions et il faut tout de même rester vigilants (un homme et une femme amoureux ne s’embrassent pas langoureusement dans la rue, ça ne se fait pas du tout. Un couple qui s’était un peu abandonné en bordure des ghâts s’est vu interpellé par la police et privé de passeport pendant 3 mois en attendant un procès qui leur a coûté ... 500 roupies d’amende ... that’s India aussi ...). Mais il est très fréquent que les hommes, entre eux, marchent main dans la main. Contraste, contradictions - en apparence, et pour nous du moins.

Cest la course ... Je dois remettre toutes les photos faites à Fior di Loto à Kam ; nous tentons désespérément de transférer les photos mais impossible ! Finalement, Kam me demande une séance portait d’elle et son mari. Je leur enverrai les photos sur DVD depuis Paris.




Je n’ai plus guère revu mes copains gypsies depuis que je leur ai fait comprendre que je ne pouvais pas tout payer tout le temps. Je leur ai fait d’autres propositions mais ils préfèrent leur liberté totale. Ils gardent toute mon affection. J’espère, lors de mon prochain séjour, leur consacrer un reportage. Un photographe croisé dans une rue m’a montré le livre qu’il avait consacré aux Roms de Roumanie : les visages qu’il me montre sont typiquement ... indiens !

A 19h, le rickshaw réservé par Flor (un de ses copains ici) vient nous chercher à la guesthouse ... pas eu le temps de dire au revoir à tout le monde ... dans la main street, nous lançons des “by take care” régulièrement ; difficile de partir ...


Nuit en bus sleeper, toujours aussi hallucinant ... J’ai trouvé le mot pour les désigner (surtout ceux de mauvais confort) : wagons à bestiaux. Mais au moins, ça roule ! Juste avant de monter dans le sleeper, je prends des photos (de nuit, donc) de jeunes faisant des popcorns sur le feu, sur leur charette du moyen-âge. Enchanté et heureux, il m’offre une poignée de popcorons divins !


Ce 3, Fin d’après-midi, j’accompagne Flor pour un tour en hélicoptère (oui, c’est apocalypse now, à se demander comment il n’y a pas mille tués par jour) - au moins 20 km au total dans les rues surrencompbrées de Delhi, surtout après 18h (en comparaison, le trafic parisien est d’un calme bucolique) et je découvre enfin d’autres aspects et vues de cette ville tentaculaire aux longues et larges avenues bordées d’arbres (poussiéreux), de belles maisons et de plus laides aussi. Flor doit boucler différentes commandes. Chez un marchand de tissu d’un autre quartier commerçant tout à fait hallucinant (pour nous), je commence spontanément à faire quelques photos de Flor. Le “boss” m’interpelle, pensant que je copiais pour la concurrence (ici, tout se fait en copier-coller). Je lui montre les photos pour le rassurer, en fait une de lui dans son bureau. Il aime, m’en demande d’autres ... et puis me demande de continuer à faire des photos de son “team” (rires avec les uns et les autres pendant que Flor bosse ...!) puis une photo de famille finale. That’s India ! Ah, mais le “boss” du shop en question est le fils de son père et je découvre en partant ce dernier. Pourquoi le fils n’a pas convié son père à la photo de “famille” finale .... eh bien, ce genre de relations psychologiques dans les sociétés familiales sont universelles ! Mais le père, si digne dans son bureau, était d’une photogénie absolue. Next time.


J’ai dû me trouver une chambre à ... 1h30 du matin, celle où je pensais avoir la nuit ayant été bookée entretemps ... ultime aventure à Delhi !

Ce 4, dernier repas à Delhi où il fait enfin sec et plus chaud. Ma première bonne nuit à Delhi ! Ce midi, un dernier délicieux thali. Dernières photos de rue à la volée, rires avec certains commerçants (dont un ébeniste entouré d’une bande de copains et dont aucun ne parlait un mot d’anglais) ; femmes “working machines” bossant dur dans des tranchées, enfants gris de poussière, ... et déjà ce quartier déjanté de Main Bazar où j’ai commencé à me faire des contacts locaux me manque aussi !

Mon taxi pour l’aéroport vient me prendre à 14h. Demain à 8h, je serai dans le RER pour une toute autre aventure, en péniche sur la Seine. Et dans 2 ou 3 mois, peut-être ... car mon (premier!) visa expire le 30 juin.

Un voyage dans ce “pays” peut changer une vie.

13h30. Je prends un dernier “black cofee” dans mon petit bistro habituel de Main Bazar. Photo du patron dont la cordialité s’est manifestée dès qu’il m’a vu revenir hier. Il était tout chic aujourd’hui et très aimable (je ne l’avais pas connu comme ça il y a 15 jours).

14h. Le taxi - “black & yellow” comme au départ vient me chercher à la guesthouse (la ruelle fait à peine un mètre, il vient donc me prendre à pied). Jeune homme très sympathique. 3 de ses copains me demandent une photo un peu délirante ... Mon chauffeur me fait monter devant pour que je puisse prendre des photos. Tout au long de la route - pas trop de trafic mais toujours autant de klaxons - il me montre les différentes zones, les chantiers en cours (un peu partout, surtout un gigantesque métro), les hôtels de luxe, la zone résidentielle des politiques, la zone résidentielle - immense, une ville dans la ville - des militaires, ... Un homme pisse contre un mur, des femmes portent des casques jaunes sur un chantier, des enfants sales à même le trottoir en bord de rue à 4 voies, les feuilles poussiéreuses des grandes avenues, le slalom gauche droite des dépassement de véhicule de tous ordres - de la berline de luxe à la charette du moyen-âge, la nuée des hélicoptères, des motards, ...

J’arrive tôt à l’aéroport (un nouvel aéroport, immense, est en construction). Le “café” passe du simple au triple et j’aurais mieux fait d’acheter une grande bouteille d’eau en ville ; il fait chaud, je meurs de soif, et je compte chaque roupie. Le bar où je prends un expresso (quasi un vrai, mais ceux de Nijam à Pushkar me manquent!) est équipé de Wi-fi ; mais il faut introduire un n° de portable indlien ou acheter un “passeport”. Vivement l’aéroport du Barhein où le Wi-fi est gratuit !

On m’avait dit qu’au contrôle, il était impossible d’embarquer à bord avec briquet ou allumettes. J’ai donc planqué un briquet dans le sac principal, en soute ; et gardé un peu cachés un autre briquet. Mais impossible de frauder ... Sachant qu’il y avait une “smooking room” de l’autre côté, je me demandais donc comment faisaient tous les fumeurs. Eh bien, très simple : ladite smooking room, monstrueusement enfumée, est équipée d’un allume-cigare comme dans les voitures ... Là je rencontre 2 sympathiques Bretons revenant de 4 semaines au Népal. Plus qu’enthousiastes. Notre avion a du retard ; on ne sait où se fait l’embarquement. Une hôtesse nous promène d’une gate à l’autre ... je me demande si nous avons perdu ou non des passagers au cours de ce circuit ... Avec au moins une heure de retard, l’avion quitte le sol indien. Snif. Peu de temps avant l’arrivée à Bahrein, ma covageuse, une indienne vêtue à l’Occidentale, se réveille et j’entame la conversation. Elle vient du Penjab (Nord de Delhi) ; elle a fait 8h de voiture jusqu’à l’aéroport d’où elle aura 4 escales avant d’arriver au Canada (près de Toronto) où elle réside. C’est mon dernier contact indien ... je lui donne donc ma dernière carte de visite personnelle et une carte de visite de Fior di Loto (je me dis que vu son émancipation, elle sera sans doute sensible au projet de la Fondation).

A l’aéroport de Bahrein que j’ai eu tout le loisir de découvrir trois semaines plus tôt, je me rends d’abord boire un bon café où je liquide quelques dollars vaguement échangé contre des roupies à Delhi. Le temps passe, l’heure d’embarquement pour Paris approche ; je décide d’aller en fumer une dernière au smooking room. Tout à coup je vois venir vers moi un agent de l’aéroport, talkie à la main. J’étais le dernier passager manquant à l’appel ... et on me cherchait un peu partout dans l’aiport ... Voilà ce qui arrive quand on se fait à la vie shanti shanti ... Je monte donc à bord en grand dernier et à peine installé, les portes se ferment et zou, décollage ... Mes 2 copains Bretons sont assis une rangée devant moi, au milieu ; ils sont à bord depuis 20 minutes déjà... Non, je n’étais pas très pressé de partir.

Salam India !


1 et 2 février - chez le barbier











Je sens arriver le jour du départ ; nous quittons le 2 vers 19h avec un bus sleeper, direct pour Delhi.

Je passe une partie de mon temps chez un artisan bijoutier pour qui je fais pas mal de photos. Plein de petites choses à faire et vérifier chez les uns et les autres avant de partir, le tour des boutiques pour choisir les petits cadeaux ...

Chez l’un d’entre eux, un matin, je suis le premier client ; il me dit que le premier client décidera de la chance de la journée, alors ... la négociation a été très bonne.


Et je fais enfin ma propre expérience chez un barbier : formule dite “first class” dans des échopes multicolores minuscules et sur des fauteuils des années 60 ... Inoubliable ! 3 rasages successifs suivis par 3 massages du visage (les yeux et les paupières surtout). Mon barbier ne pense qu’à me satisfaire et comme je suis enchanté, je lui donne un peu plus plus que convenu, ce qui le ravit.

Je n’ai pas envie de partir ; Pushkar est une ville si tranquille et les habitants si cordiaux.

Pushkar est à la fois extrêmement hindoue (et pour cause) et internationale - les travellers aiment s’y retrouver car c’est un havre de paix comparé à d’autres jolies ville. On peut donc à la fois, ici, vivre “en retraite” tout en fréquentant régulièrement des travellers occidentaux de toutes conditions et de toutes origines dans les resto fait pour eux (cuisine israélienne, italienne, ...). Ou bien manger dans un minuscule resto où seuls vont les locaux ou les pélerins. On a le choix ! Ou bien se retirer dans sa chambre ou sur la terrasse de la guesthouse ; déambuler sur les ghats à la tombée du jour et jouir du soleil se couchant, au son des drums (tous les jours à 17h et pendant 1 demi-heure, une petite bande de traveller donne un concert de drums sur les ghats, face au lac). Au fil des jours, impossible de traverser la mainstreet sans se faire inviter à au moins un tchaï. Et il est tellement difficile de dire non ! Ils ne comprennent pas qu’on refuse même s’ils n’invitent pas pour des raisons de business.


J’aurais pu, grâce à Flor qui en connaît l’une ou l’autre, passer une matinée avec des Gitanes, dans leur camp et les voir danser, mais manque de temps. Pour une autre fois ... C’est un, deux, trois jours sinon plus que j’aimerais passer avec les gitans, même les plus marginaux et les plus sales en apparence (aux abords de Pushkar, j’ai vu les tentes, les vraies, qui à certains sert effectivement d’habitat). Comme à Delhi, j’aimerais entrer dans les “slums”, bidonvilles particuliers ; le bidonville étant “le” grand phénomène urbanistique en cours et le pire est à venir - y compris à Paris ; je suis convaincu que la “bidonvilisation “de la ville a recommencé. “Paris-slums”, c’est déjà maintenant. Mais ce n’est que le début.





31 janvier - pushkar drums by night



La nuit du 30 au 31 m’a offert une nouelle expérience hallucinante. Depuis le début de mon arrivée à Pushkar, on entend, toute la journée mais aussi la nuit, des chants diffusés par des haut parleurs. Suivant le conseil d’un photographe rencontré ici, j’ai décidé de me rendre à l’une de ces cérémonies religieuses qui commencent vers 23h. Il y en a près d’une chaque soir/nuit dans un temple différent. Je me suis repéré au son qui me provenait dans les ruelles sombres. J’arrive effectivement à un temple. Stupeur : un petit groupe d’hommes (les femmes sont réunies ailleurs), sous un toit-terrasse, dans l’enceinte du temple. Divers instruments de musique : accordéon au sol (genre d’harmonium : touches du clavier avec la main droite, la main gauche servant à amener l’air) ; drums, tambourins et d’autres instruments rythmiques. A peine arrivé, je suis accueil chaleureusement. On me fait asseoir sur une bonne couverture, le tchaï suit immédiatement ... La musique recommence : le groupe d’une douzaine d’homme entonne des chants au micro ; la musique est diffusée par des haut parleurs dignes d’une salle de concert (je comprends maintenant pourquoi on les entend même de loin) et j’ai très vite les oreilles qui bourdonnent ! Après un chant, discussion pour savoir lequel prendre ensuite. Un jésus noir, long cheveux, en chemise orange vif (aperçu quelques jours plus tôt dans son jardin), lui aussi de la bande à Bob Marley, est le “prêtre” de la bande. On se passe le micro à tour de rôle. Parfois un homme danse. On fume à mort et on me propose à du hash ou de la marie-jeanne à différents moments. Les rythmes sont endiablés, les voix très belles. Mélange indécidable de feu de camp (il y a un feu de braises au milieu avec encensoirs), de musique rasta et/ou africaine ... sauf que c’est une cérémonie hindoue.


Un drum est libre, je tente de suivre le “drumeur” principal, mais impossible, trop doué ! Je suis envahi par cette musique et je reste avec eux jusqu’à la fin, sans doute 2 ou 3h du matin. La cérémonie se termine par une distribution de sucrerie et le jésus noir nous passe les doigts sur le visage avec une pourdre rouge. Je les aide ensuite à ramener tout le matériel dans le local du “DJ”, une rue plus loin. Ma joyeuse bande allumée par la fumette me demande alors une séance photo devant le local “DJ”. Gros délire ... !

Je termine ma nuit à marcher dans Pusjkar by night ; j’assiste aux premières arrivées de pélerins au lac, j’évite les chiens hurlant redevenus maîtres de la nuit ...

Après un petit somme, je passe une après-midi tranquille.




samedi 30 janvier 2010

30 janvier - Lotus et tant d'autres








Depuis des jours et des jours je ne sais plus quel jour de la semaine nous sommes ... Tout est toujours intensité, contraste, changements. Impossible de programmer, même pour le jour-même. Je pensais pouvoir, cet après-midi, refaire un tour dans les maisons et villages des écolières de Fior di Loto mais j’apprends en dernière minute que mon conducteur est en fait à Jaïpur. Remis à demain. Mais pas de souci, shanti shanti ...

Je suis retournée à l’école de Fior di Loto refaire une nouvelle série de photos, sous un autre angle. Il faudrait des journées de vie dans l’école pour voir et sentir.


A 16h, je retrouve Deepu au sunset ; il fait chaud aujourd’hui. On dit ici que l’été arrive. Nous allons dans le fond du café et je lui montre les photos prises. Il a d’abord été étonné par le Mac lui-même ... ! Dans la conversation, j’apprends qu’il a fait de la politique il y a quelques années. Mais que le système est tellement gangrené par la corruption qu’il préfère ne plus s’occuper de ces choses. Son frère, par contre, s’est fait élire à un poste important pour la ville Pushkar. Il n’y a pas de maire ici, la “mairie” regroupe en fait une plus grande surface géographique.

Fin de journée tout en douceur. Avec Flor, dîner très original en compagnie de 2 de ses amis Afghans qui écoulent, en Inde, leurs textiles. Ils ne parlent pratiquement pas anglais et y mêlent quantités de mots de leur langue ; mais Flor et eux semblent bien se comprendre.

Pushkar est une petite ville mais, sur le plan photographique, presqu’inépuisable. A chaque minute, il y a une photo à faire. Tout est en constante mobilité autour de soi, c’est hallucinant. Je reste donc ici jusqu’à la fin car il me reste encore quelques petits projets.


Le temps passé dans une même ville ou quartier est important pour la création de liens, de contacts. Et ici le contact est tellement facile, spontané. Dans les échanges, on donne et reçoit quantités d’informations. J’ai fait de bons contacts avec 2 ou 3 photographes pro qui ont été très riches ; et que j’espère revoir en France. L’un d’eux, Olivier, avec qui j’ai pris le petit déj ce matin, a quitté son appartement de Marseilles il y a plus de 2 ans pour parcourir l’Inde ; il va bientôt rentrer en France pour faire un livre photos.

Pushkar est certes une ville touristique mais dès que l’on quitte la rue principale, que l’on sort de la ville ou, tout simplement, que l’on s’aventure dans les ruelles et en périphérie, c’set déjà une “autre” Inde qui s’offre très spontanément.

Les couchers de soleil sont sublimes ; ce soir c’est la pleine lune, jour particulier pour les Hindous en termes de dévotion.

Cet après-midi, j’ai pris en photo un très bel homme qui portait une fleur à son oreille. Il se laisse faire puis m’apprend qu’il est Brahmine.


L’un de ses amis m’offre une guirlande de fleurs que je garderai autour du cou toute la soirée. De fil en aiguille, mon beau et jeune brahmine m’invite à visiter sa boutique à l’entrée de la ville. Comme d’habitude je me laisse faire. Et nous voilà partis à moto ... Je repasserai prendre des photos de lui dans sa boutique (je fais ça assez souvent ici ; et j’ai un gros stock de cartes de visites des personnes à qui envoyer, par la poste (car tous n’ont pas une adresse mail, loin s’en faut), les photos. Les jours passants, j’y vais de plus en plus “franco” avec les photos, donnant quelques roupies lorsqu’il s’agit de mendiants ou de “babas” (une sorte de sadhous, mais mendiants) ; je suis chaque fois étonné de la réaction des habitants, la plupart aiment ça et souvent me le demandent spontanément. Je leur montre alors la ou les photos et ils sont tout heureux. La cordialité est constante et même si, souvent, le salut est une invitation à dépenser, tout se fait et se termine dans la bonne humeur.


30 janvier - Lotus et tant d'autres

Depuis des jours et des jours je ne sais plus quel jour de la semaine nous sommes ... Tout est toujours intensité, contraste, changements. Impossible de programmer, même pour le jour-même. Je pensais pouvoir, cet après-midi, refaire un tour dans les maisons et villages des écolières de Fior di Loto mais j’apprends en dernière minute que mon conducteur est en fait à Jaïpur. Remis à demain. Mais pas de souci, shanti shanti ...

Je suis retournée à l’école de Fior di Loto refaire une nouvelle série de photos, sous un autre angle. Il faudrait des journées de vie dans l’école pour voir et sentir.

A 16h, je retrouve Deepu au sunset ; il fait chaud aujourd’hui. On dit ici que l’été arrive. Nous allons dans le fond du café et je lui montre les photos prises. Il a d’abord été étonné par le Mac lui-même ... ! Dans la conversation, j’apprends qu’il a fait de la politique il y a quelques années. Mais que le système est tellement gangrené par la corruption qu’il préfère ne plus s’occuper de ces choses. Son frère, par contre, s’est fait élire à un poste important pour la ville Pushkar. Il n’y a pas de maire ici, la “mairie” regroupe en fait une plus grande surface géographique.

Fin de journée tout en douceur. Avec Flor, dîner très original en compagnie de 2 de ses amis Afghans qui écoulent, en Inde, leurs textiles. Ils ne parlent pratiquement pas anglais et y mêlent quantités de mots de leur langue ; mais Flor et eux semblent bien se comprendre.

Pushkar est une petite ville mais, sur le plan photographique, presqu’inépuisable. A chaque minute, il y a une photo à faire. Tout est en constante mobilité autour de soi, c’est hallucinant. Je reste donc ici jusqu’à la fin car il me reste encore quelques petits projets.

Le temps passé dans une même ville ou quartier est important pour la création de liens, de contacts. Et ici le contact est tellement facile, spontané. Dans les échanges, on donne et reçoit quantités d’informations. J’ai fait de bons contacts avec 2 ou 3 photographes pro qui ont été très riches ; et que j’espère revoir en France. L’un d’eux, Olivier, avec qui j’ai pris le petit déj ce matin, a quitté son appartement de Marseilles il y a plus de 2 ans pour parcourir l’Inde ; il va bientôt rentrer en France pour faire un livre photos.

Pushkar est certes une ville touristique mais dès que l’on quitte la rue principale, que l’on sort de la ville ou, tout simplement, que l’on s’aventure dans les ruelles et en périphérie, c’set déjà une “autre” Inde qui s’offre très spontanément.

Les couchers de soleil sont sublimes ; ce soir c’est la pleine lune, jour particulier pour les Hindous en termes de dévotion.

Cet après-midi, j’ai pris en photo un très bel homme qui portait une fleur à son oreille. Il se laisse faire puis m’apprend qu’il est Brahmine. L’un de ses amis m’offre une guirlande de fleurs que je garderai autour du cou toute la soirée. De fil en aiguille, mon beau et jeune brahmine m’invite à visiter sa boutique à l’entrée de la ville. Comme d’habitude je me laisse faire. Et nous voilà partis à moto ... Je repasserai prendre des photos de lui dans sa boutique (je fais ça assez souvent ici ; et j’ai un gros stock de cartes de visites des personnes à qui envoyer, par la poste (car tous n’ont pas une adresse mail, loin s’en faut), les photos. Les jours passants, j’y vais de plus en plus “franco” avec les photos, donnant quelques roupies lorsqu’il s’agit de mendiants ou de “babas” (une sorte de sadhous, mais mendiants) ; je suis chaque fois étonné de la réaction des habitants, la plupart aiment ça et souvent me le demandent spontanément. Je leur montre alors la ou les photos et ils sont tout heureux. La cordialité est constante et même si, souvent, le salut est une invitation à dépenser, tout se fait et se termine dans la bonne humeur.


29 janvier - fior di loto











Lever tôt car très mauvaise nuit. Vers 3 ou 4h du matin, toute une troupe de pélerins chantaient dans ma cellule et y secouaient des clochettes. J’ai pu me rendormir, mais pas très longtemps. Electric café chez Nijzam.

La matinée se passe “shanti shanti”. Elle démarre au soleil de la terrasse de la guesthouse où nous assistons en direct à une séance barbier d’une extraordinaire virtuosité. Un vrai ballet, rasoir en main, sur fond de lac et de montagnes, au soleil. Une sorte de cérémonie du thé ...


Flor et moi flânons en ville, passant d’une échoppe à l’autre où l’on se fait inviter à boire un tchaï. Je fais ainsi différentes rencontres : des photographes (de Pushkar, mais qui tiennent bien sûr une boutique), un ingénieur civil mexicain, un fabuleux artisan-formateur en bijouterie, ...

Vers 14h, comme prévu, je retourne au bureau de la Fondation Fior di Loto. Nous avions prévu que Deepu m’emmène rendre visite à quelques familles d’écolières et me montrer de plus près leurs villages. Au volant de la voiture blanche des années 50 ou 60 (il y a un petit côté Havane en Inde), je suis heureux de retrouver mon chauffeur de minipus. Nous voilà donc partis, Deepu, lui et moi derrière, prenant photos.


Cette après-midi fut étonnante de découverte. Voir dans quelles conditions réelles vivent les habitants des villages. Certains sponsors de la Fondation ont fait construire de petites maisons en briques (maximum 20 m2 au sol) pour les familles les plus pauvres. Dans l’une d’elles vivent 10 enfants orphelins.


Dans une autre, ils sont 6. Mais dans chaque maison visitée, la même ambiance : rires, rires avec les enfants et les adultes, les enfants adorent être pris en photo et en demandent autant qu’ils peuvent. Je me fais ainsi une première idée de l’habitat et des conditions de vie et, surtout, des conditions dans lesquelles écolières travaillent en rentrant de l’école. C’est simple : il n’y a, en dehors des lits, pas de mobilier, ou quasi pas. L’électricité arrive dans la plupart des maisons mais les coupures (je l’ai expérimenté quelques fois à Pushkar) ne sont pas rares. Pas de chauffage, bien sûr, pour les nuits les plus froides de l’année. Photos, photos, photos ... Je suis notamment surpris de découvrir dans les différentes maisons visitées que, en dehors des images et objets pieux, le seul élément de décoration est constituée par ... la vaisselle (bols, assiettes) soigneusement disposée. Dans les rares intérieurs que j’ai entr’aperçu en ville, j’avais déjà remarqué l’absence de mobilier. Quelqu’un m’explique dans la journée que si un habitant a les moyens de s’offrir un meuble, il choisira une belle pièce d’antiquité. Pas d’ikea, ici. Encore moins de mobilier Habitat.


Pour ce qui est des bijoux des vieilles paysanes - et d’autres vues en ville - on m’explique qu’en Inde, les gens n’épargnent pas mais thésaurisent. Tout va dans les bijoux. Il y a d’ailleurs un vrai marché - et trafic - de bijoux en argent ancien. On les retrouve ça et là dans les boutiques ; la ville de Jaisalmer est assez réputées pour ces joailleries. Le gouvernement a d’ailleurs interdit la vente des bijoux de plus de 100 ans. Mais ...

A 18h, nous nous retrouvons devant la boutique d’un ami de Flor, artisan-bijoutier que j’irai photographier demain - Il nous invite à une fête en ville.

Etant arrivé un peu plus tôt, je m’attarde, sur la petite place du marché, à faire des photos. Je suis rejoint par un de mes compagnons gypsy, “Pedro” ainsi qu’il se fait appeler. Il est, cela se voit et s’entend, malade. Bien entendu il me demande des roupies, à manger ... je lui propose de l’emmener au dispensaire pour se faire soigner. Il préfère avoir l’argent en cash et y aller lui-même ; je lui fixe rendez-vous demain. Deepu, le responsable de Fior di Loto passant par là, je lui signale le cas de cet enfant ; Deepu me dit de l’emmener à l’hôpital où il recevra les soins gratuitement. Mais je ne sais pas si mon copain viendra me rejoindre demain.

Nous y arrivons - à moto - vers 19h. Stupeur. Dans ce qui doit être une école, et dans la grande cour de celle-ci, des dizaines de femmes, hommes, enfants, ... arrivent par groupe. Il s’agit d’une veillée consécutive au 20è jour de la mort d’un habitant. Cette fête est rituelle. On nous fait monter sur le toit de l’un des immeubles. On nous explique que les places (dans la cour ou sur les toits) sont assignées en fonction des castes auxquelles les convives appartiennent.


Hommes et femmes sont séparés. Mais ce sont les hommes qui, partout, font le service. Tout le monde est assis par terre, sur des bandes de tapis très longs. Le spectacle est très beau, l’ambiance très bonne, brouhaha, ronde continues des serveurs. (Alors que je me rends au pipi-room, un petit garnement n’hésite pas à me demander de manière très directe 10 roupies. Comme je refuse en riant, il croit m’avoir en m’affirmant qu’il n’y a pas de toilettes là où je vais et me tourne le dos).

Il existe un très grand nombre de castes (parfois une caste par métier : nous discutons ainsi, longuement, avec un barbier membre de la caste ... des barbiers, qui n’est donc pas la plus haute ; celle-ci est celle des brahmines). Quant aux femmes voilées qui balaient les rues, elles sont effectivement de la caste la plus basse. Il est très difficile d’échapper au destin fixé par l’appartenance à une caste. Notre compagnon barbier nous explique que s’il voulait se rendre très loin, ailleurs, en Inde, pour changer de métier, si l’on découvrait sa caste d’origine, il se faisait vite exclure du métier en question. Or il semble que l’appartenance à une caste puisse être simplement trahie par telle ou telle syllabe du nom de famille.

Nous dînons à notre tour, sur le toit, dans de grandes assiettes en plastique et avec les mains, comme il se doit (la main droite uniquement, la gauche est dévolue à d’autres fonctions).

Depuis mon aventure avec les Bhopas, ma rencontre avec les responsables de Fior di Loto, tout ce que j’apprends peu à peu sur l’Inde, l’hindouisme, la condition des femmes, la rigidité des castes, mon regard sur l’Inde s’approfondit. En dépit de la volonté explicite du gouvernement pour, par exemple, mettre fin au sort fait aux filles et aux femmes ou la loi des castes, je m’aperçois qu’il faudra encore du temps avant que les choses changent vraiment. Les principe religieux et les coutumes ancestrales sont profondément enracinés. Et malgré tout, il a ici, et partout, les rires des enfants, la cordialité, la franchise. “L’Inde” est décidément riche, complexe ; mélange détonnant des contrastes les plus extrêmes. Mais je m’attache de plus en plus à ce pays/continent et à ses habitants.